Le nouveau

Le nouveau était pas trop trop loin de moi. Moi aussi je m'isolais, à cause du rejet des autre. Lui il semblait éviter les humains. Intéressant, peut-être que lui me parlerait, lui deviendrait mon ami?

Je me mettrais à coté de lui au prochain cour, mais ne lui adresserait pas la parole, le silence étant plus beau.

La sonnerie retentit, j'attendis que tous les autres soient sortis ou presque pour partir. Je passai la recré dehors sur le toit de l'académie.

J'essayai de ne plus écouter le brouhaha incessant qui remontait amplifié du bas du parc. J'en avais marre, j'avais encore envie de rentrer chez moi, comme chaque jour, après la première heure de cours. Sonnerie. Fais chier. Cours de balistique magique, de la merde en boite, comme tout les cours.
Je me plaçais au fond de la salle, à coté de Hibari, la chaise un peu en retrait, pour voir se qu'il faisait, sans le gêner.

Le cours me faisait gravement suer, et les profs avaient compris que depuis le temps, me faire suivre la leçon était impossible, mais comme je ne foutais pas le bordel, on me laissait en paix. Pourtant mes notes étaient plus qu'acceptable.

Je me balançai sur ma chaise, les yeux mi-clos, attendant de voir ce qu'allait faire le nouveau.

J'aurais voulu disparaître. Le fait d'être nouveau attirait trop les regards... Certaines filles avaient même tenté de me parler dans le couloir, mais avait vite abandonné leur idée, se heurtant à un mur de glace. Je ne pris même pas la peine de leur répondre. Il me fallait trouver un coin tranquille.
Le toit me semblait convenir, j'y serais seul.

Mais non.

Une fille étrange était assise là, sans bouger. Elle possédait deux grandes ailes de corbeau, un peu effrayante. Etait-ce encore une abomination humaine ou bien était-elle vraiment différente des autres ? Je n'allais pas me risquer à lui poser la question. Elle avait l'air solitaire, par choix ou par obligation, je n'en avais que faire. Tout cela ne me concernait pas. Je haussai les épaules et décidai de m'installer dorénavant en bas des escaliers, à défaut du toit.

Cet épisode m'avait inspiré. Je dessinais donc une femme aux immenses ailes de corbeaux, volant aux milieux d'une nuée d'oiseaux bariolés. Je terminais les derniers détails lorsqu'un son strident me fit sursauter.

- Sonnerie de merde ! lâchais-je.

Ma main avait dérapé malgré moi. Un petit trait noir dépassait maintenant de l'aile gauche de la femme. Je détestais les ratures, aussi arrachais-je le dessin, pourtant sublime, et le laissais traîner là.
Direction le cours de balistique magique.

Je me plaçai au fond de la salle et fermai les yeux. Ce cours m'endormait avant même d'avoir débuté...
Un raclement de chaise à côté de moi me tira de mon demi sommeil.
Encore la fille du toit ! Je n'avais même pas remarqué que nous partagions la même classe. Que me voulait-elle ?
Moi je ne voulais rien, et n'avais rien demandé. Je lui jetai un regard courroucé et décalai légèrement ma chaise. Peut-être finirait-elle par partir.

Brusquement, je me frappais le front. Elle avait du trouver mon dessin en descendant les escaliers... Quel con ! Je ne voulais pas que mon talent pour le dessin soit connu trop vite. La journée commençait mal, très mal...

j'avais trouvé le dessin en retournant en cours, il était sublime. A l'aide de ma magie du vent, je le défroissai, un sort très simple. Signé de HK. Hibari? Je ne connaissais personne qui dessinais aussi bien, même si je n'avais pas d'ami, je connaissais les capacité de chacun.

L'auteur devait être très pointilleux, il avait jeté le dessin suite à une petite rature sur l'aile. Je me concentrai un peu, usant de mes sens aiguisés. Je ressentais la feuille, chacun des pigments qui la recouvrait. Je ciblai la rature, et la fit s'envoler d'un simple coup de vent, arrachant les particules d'encre noir à la cellulose. Le dessin était cette fois fini.

Le prof avait le dos tourné, personne ne regardait dans ma direction. J'invoquai un petit courant d'air chaud, et fit planer le dessin jusqu'à la table d'Hibari. Je détournais la tête, prenant garde à ne pas le regarder. Je le surveillai du coin de l'œil, grâce au reflet de la classe, sur la télé murale de la classe. J'attendais ses réactions, faisant semblant de regarder Mme Ferrandon parler de jet de boule de feu sur cible volante mobile au nord avec un vent de 15 nœud vers le sud. TROP CHIANT COMME EXO.

Je regardai toujours la télé.

Alors que je m'employais à ignorer ma voisine, mon dessin arriva comme par magie devant mes yeux. Sans rature ! Je levai un sourcil étonné et commençai à mâchouiller quelques cheveux. J'étais tiraillé entre mes deux envies : celle de comprendre comment elle avait pu retirer le trait et celle de ne jamais lui adresser la parole. Si seulement j'avais une méthode pour lire dans les pensées ! Je n'aurais même plus besoin de parler pour avoir réponse à mes questions...
La prof, dont j'ignorais le nom, et qui n'avait même pas remarqué ma présence dans la classe continuait sa litanie soporifique impliquant une boule de feu et je ne sais pas trop quoi. Plutôt mourir que d'écouter ça.

Raah ! Je voulais savoir ! Avait-elle des techniques de dessin elle aussi ? Étrange...
Je mâchouillais de plus belle.
Je m'autorisais à lui jeter un regard. Elle me tournait la tête et sembler fixer la télé. Je croisais son regard dans le reflet de l'écran. J'ouvrai la bouche. La refermai. Engager une conversation n'était pas dans mes cordes.
Relâchant soudain ma mèche toute mouillée, j'empoignai un papier et y inscrivai ces quelques mots de ma fine écriture : Comment as-tu fait pour le dessin ?
Après quelques secondes de réflexions j'ajoutai : Ohayo ! et dessinai un petit lapin faisant coucou. Feindre la sociabilité par écrit pouvait être un exercice amusant s'il ne se prolongeait pas trop.

Hibari me fit passer un dessin:

Ohayo ! Comment as-tu fait pour le dessin ? avec un petit lapin qui fait coucou.

Etrange, il semblait ne pas être hostile à ce que je lui parle, au moins indirectement. J'écrivais en dessous de sa phrase:

Je fais comme sa

Je lui renvoyai la feuille comme précédemment puis une fois qu'il eut lu , je fis encore une fois disparaitre l'encre, exagérant la force du vent, ce qui lui fit bouger sa mèche de devant. Il eut un sursaut de surprise.

Je le laisserai tranquille après les cours, et mangerai seule, comme d'habitude. C'était le premier qui semblait ne pas être dégouté par moi, je pensai que des gens comme lui n'existait pas sur Hoshi.

J'attendais qu'il me réponde, en battant nerveusement des ailes, ce qui fit se retourner quelques élèves qui me jetèrent un regard noir de dégout.

Elle maîtrisait donc le vent...

Je lui jetai un regard dégoûté. Moi qui avait vu en elle un moyen d'accroître mes capacités... J'étais déçu, profondément déçu. Je me sentais presque souillé de lui avoir adressé la parole, ne serait-ce que par écrit.
D'ailleurs elle semblait attendre une réponse et battait nerveusement des ailes, s'attirant ainsi le regard haineux d'autres élèves.

Pour moi, au contraire, ses gracieuses ailes d'un noir profond, absorbant toute lumière, étaient la meilleure partie de son anatomie. Le reste était pitoyable, hideux. Humain.

Peut-être grâce à sa différence valait-elle mieux que les autres ?
Peut-être.
La réponse ne m'intéressait pas. Tout comme ce cours inutile, ce professeur insipide ou ces deux filles qui me souriaient stupidement depuis leurs tables.
Je n'en pouvais plus de rester là, au milieu de cette cacophonie incessante et baignant dans cet air irrespirable, vicié.
N'y tenant plus, je me levai et quittai la salle, laissant traîner le mot sur la table, sans réponse.
Tout les regards me suivirent avec étonnement. La prof cessa quelques secondes d'endormir son assistance pour me crier de m'asseoir. Je claquai la porte pour ne rien entendre. La classe des capacités dangereuse n'était pas de tout repos pour elle. D'autres élèves, suivant mon exemple, quittèrent la salle de cours, tout particulièrement les deux filles au sourire idiot qui s'élancèrent à ma suite.
Je me concentrais sur le bruit de mes pas et fermais totalement mon esprit.

Je marchais lentement, le corps droit, fixant un point au loin. Mon visage n'affichait aucune expression : froid, rigide. Glacé.
Le bruit de mes pas. Rien que ce son régulier.
Mais j'avais beau me concentrer, leurs voix nasillardes semblaient vouloir s'immiscer en moi. Leurs balbutiements envahissaient l'air de leur vibration nocive, le polluaient, s'engouffraient partout.
Mon absence de réaction semblait les exciter encore plus et elles tourbillonnaient autour de moi tels des pigeons affolés. Ou affamés...
Je serrai les poings dans mes poches et crispais la mâchoire. Si elles ne se taisaient pas bientôt je les... tuerais.
Voir pire.
Soudainement, je stoppai ma marche et l'une d'elle me heurta de plein fouet. Elle s'étala de tout son long alors que je ne bronchai pas.
Sans lui accorder un seul regard, j'ouvris la porte devant laquelle je m'étais arrêté et entrai. Du bout des doigts, j'esquissai rapidement une chaîne et un cadenas que je fixai sur la porte.
Cette salle vide m'offrait tout ce que je désirais. Une chaise et du silence.

Pour calmer mes envies de meurtres, je me concentrais sur une occupation que j'affectionnais : je cessais de respirer et comptais les secondes en écoutant mon coeur battre.
D'abord normalement, puis de plus en plus lentement jusqu'à atteindre un rythme totalement décousu et irrégulier.
Je m'amusais à combattre l'instinct de survie, à empêcher mon cerveau de ressentir ce besoin d'air. Je jugulais de mieux en mieux cette panique incontrôlable de l'organisme en manque d'oxygène.
Je m'évanouissais parfois, mais je finissais toujours par rouvrir la bouche.
Jusqu'au jour où je mourrais.
Ce jour-là, j'aurais réussi à ne plus être esclave de mon corps humain et de ses instincts bestiaux. Je l'aurais forcé à mourir seul, à se tuer lui même, par ma volonté.
Bien fait.

Il sortit en trombe, suivit par d'autre élèves. L'avais-je offensé dune quelconque manière? J'avais son odeur dans mon esprit, grâce à mes avantages animaux. La sonnerie retentit quelque temps après et je sortit, rejoignant le toit, où je me métamorphosai en un imposant corbeau, prenant soin que personne ne m'aperçoive.

Mon odorat développé me guida jusqu'à une salle de cours, du 2eme étage. Entièrement vide, mis à part Hibari calé dans un coin. La porte semblait soumis à des assaut répétés de coups d'épaules, de ce qui me sembla, deux filles, à l'odeur.

Soudain le verrou magique ou du moins approchant, céda, libérant le passage à deux blondasses au sourire carnassier. Les deux cruches suivaient surement Hibari depuis longtemps, et j'avais remarqué que celles-ci n'arrêtaient pas de la fixer depuis son arrivée.

Je ne sais pas pourquoi, mais j'avais envie de les frapper. Hibari voulait rester seul s'était assez évident. Je volai à tire d'aile dans la pièce, entrant pas la porte ouverte, en poussant des croassement suraigus. Je me retransformai en vol, reprenant ma forme humaine. L'attaque eut l'effet escompté, les deux greluches s'enfuirent en courant et en hurlant.

J'éclatai d'une rire cristallin, puis me dirigeai vers la sortie. J'adressai un rapide signe de la main à Hibari qui n'avait ni bouger ni parler. Même s'il ne m'avait pas reparlé, ni remercié, je savais que je lui avait sauvé la mise, mais j'allais le laisser seul. Je me couchai, les yeux mi clos à l'ombre d'un cerisier en fleur, dans le jardin de l'académie.